Expertise

Réforme de la gouvernance petite enfance : l’Unaf donne avis au HCFEA et à la Cnaf

Le projet de loi « plein emploi » comporte un article visant à réformer la gouvernance petite enfance. Discutée lors de la séance du collège Enfance du HCFEA le mardi 23 mai et lors d’un CA de la Cnaf le 24 mai, l’Unaf a fait part de son avis sur ces dispositions. Pour l’Unaf, il s’agit d’une première pierre à l’édifice de l’engagement présidentiel de créer un SPPE, qui mériterait d’être complété. Les obligations de développement relevant du bloc communal restent encore trop limitées.

Accueil petite enfance

Lors de la séance du collège Enfance du HCFEA le mardi 23 mai 2023 et lors du CA de la Cnaf le 24 mai, l’article 10 du projet de loi « plein emploi » qui réforme la gouvernance de la petite enfance a été présenté. L’Unaf s’est exprimée en détaillant les dispositions qui vont dans le bon sens et celles qui mériteraient davantage d’ambition.

Les dispositions portent sur :

  1. L’adoption par arrêté d’une stratégie nationale de l’accueil du jeune enfant par le ministre en charge de la famille qui détermine les objectifs pluriannuels de développement quantitatifs et qualitatifs et du développement des emplois, compétences, qualifications et formations qui découlent de ces objectifs de développement. L’état, les collectivités territoriales et organismes de sécurité sociale devant tenir compte de priorités ainsi définies dans le déploiement de la politique de la petite enfance sur le territoire
  1. La qualification « d’ autorité organisatrice » de l’accueil du jeune enfant des communes à partir du 1er septembre 2025.

À ce titre, elles sont compétences pour :

  1. Recenser les besoins des enfants de moins de trois ans et de leurs familles en matière de services aux familles et des équipements disponibles sur le territoire ;
  2. Informer et accompagner les familles ayant un ou plusieurs enfants de moins de trois ans ;

Lorsque les communes comptent plus de 3 500 habitants, elles ont également compétences pour :

  1. Assurer le pilotage du développement des modes d’accueil en déployant un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil en cohérence avec le Sdsf (Schéma Départemental des Services aux familles)
  2. Assurer le soutien à la qualité des modes d’accueil.

Lorsque les communes comptent plus de 10 000 habitants, elles sont également compétentes pour mettre en œuvre les missions d’informations et d’accompagnement des familles et des soutiens à la qualité des modes d’accueil, au moyen d’un RPE (Relais Petite Enfance)

Les communes ont la faculté de transférer la compétence d’autorité d’organisation à un établissement public de coopération intercommunale ou un syndicat mixte.

Des compensations financières pour les communes seront précisées dans les lois de finances.

Dans les zones caractérisées par un niveau d’offre  d’accueil particulièrement élevé défini par le préfet, les projets d’ouvertures devront faire l’objet d’un avis favorable de l’autorité organisatrice avant la demande d’autorisation au Conseil départemental.

Des aides spécifiques pourront être apportées dans des zones caractérisées par une offre d’accueil  insuffisante ou des difficultés d’accès, déterminé par le préfet.

  1. Renforcement du rôle de coordination des CDSF (Comités départementaux des Services aux familles) en charge de mettre en œuvre la stratégie nationale et du suivi de l’adoption des schémas de maintien et de développement de l’offre d’accueil des autorités organisatrices et de leurs cohérences. Le CDSF est en charge d’une procédure particulière en cas de manquement aux obligations relatives à la création d’un RPE/adoption d’un schéma, un retard dans l’atteinte des objectifs de ce schéma, ou dans le manque de cohérence du schéma local avec le schéma départemental.
  1. Renforcement du rôle des RPE (Relais Petite Enfance) qui pourront accomplir des formalités administratives et de déclarations sociales et fiscales liées à l’emploi des assistants maternels pour le compte de particuliers employeurs.
  2. Prise en compte des besoins de formations identifiés par les CDSF dans les contrats de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelle

Avis de l’Unaf sur ces dispositions :

En préambule, l’Unaf relève qu’en insérant dans une loi « travail » des dispositions sur l’accueil de la petite enfance, le lien étroit entre la politique familiale de la conciliation et la politique de l’emploi est pleinement reconnu pour la première fois.  Elle souscrit pleinement à l’objectif de cette loi de prendre en considération toutes les familles : les parents en emploi, comme ceux au chômage ou bénéficiaires des minima sociaux.

Saisie pour avis, l’Unaf souligne la difficulté de s’exprimer sans disposer de l’ensemble de la réforme prévue par le gouvernement. Point crucial : elle ne dispose pas des objectifs de développement quantitatif et qualitatif de l’offre d’accueil et leurs inscriptions dans le temps et dans les PLFSS à venir, ni les engagements financiers de compensation pour les communes, ni ceux de la prochaine COG Etat-Cnaf.

L’Unaf rappelle son engagement depuis de nombreuses années en faveur d’une réforme ambitieuse sur la politique de la petite enfance. Récemment, sa présidente, Marie Andrée Blanc, a co-rapporté un avis du CESE, saisi par le gouvernement, plaidant pour la création d’un Service Public de la Petite Enfance (SPPE).

Le projet de loi prévoit l’adoption d’une stratégie nationale pour la petite enfance et confie au bloc communal le rôle d’autorité organisatrice. Ces deux dispositions apportent une première pierre à l’édifice de l’engagement présidentiel de créer un SPPE. Favorable au choix du niveau communal et intercommunal, l’Unaf souligne également l’intérêt des dispositions visant :

  1. à réguler la répartition des modes d’accueil sur les territoires via une autorisation préalable dans les zones surdotées, et en confortant le rôle des CDSF (Comité Départementaux des Services aux Familles) et de leur schéma ;
  2. à prendre en compte des besoins de formation des professionnels de la petite enfance par les régions en s’appuyant par les besoins définis par les schémas départementaux.

Pour autant, l’Unaf est inquiète sur l’ambition de la réforme portée par le gouvernement :

  1. le projet de loi ne prévoit nulle part de créer un « service public de la petite enfance » ;
  2. Si l’exposé des motifs évoque l’objectif d’une garantie d’accueil apportée aux parents (« donner les moyens de garantir à chaque parent qui en exprime le besoin, une place d’accueil de qualité pour son enfant de moins de trois ans. »), cette notion de garantie n’est pas reprise dans les articles de loi. Il s’agit pourtant d’un engagement de la Première Ministre, le 26 avril 2023, dans sa feuille de route sur les « 100 jours » dans laquelle il est prévu de « Déployer une véritable « garantie d’accueil du jeune enfant » pour répondre aux besoins des parents et de leurs enfants » Cette ambition du gouvernement est-elle toujours d’actualité ? Comment pourra-t-elle prendre forme si elle ne figure pas dans son propre projet de loi ?

Concrètement, comment le gouvernement entend-il obtenir du bloc communal le développement de modes d’accueil en nombre suffisant et de qualité, pour apporter à chaque parent la garantie que son enfant sera accueilli ? Comment la stratégie nationale et les objectifs définis vont-ils s’imposer aux blocs communaux ?

Seule la compétence obligatoire des communes, associée à des moyens adéquats, permettra à toutes les familles ayant un enfant de moins de trois ans, de pouvoir compter sur une place d’accueil de qualité et financièrement abordable.

L’Unaf juge également indispensable d’intégrer au projet de loi les trois garanties suivantes :

  1. Rendre financièrement abordable le recours à des modes d’accueil

Le projet de loi se focalise sur une meilleure répartition des modes d’accueil sur le territoire, sans prendre en compte la régulation par la tarification. Or, ces dernières années, le développement des micro-crèche Paje a montré que l’augmentation de l’offre peut s’accompagner d’une augmentation des inégalités d’accès aux crèches et des coûts prohibitifs pour les familles. Le projet de loi doit prévoir un développement des modes d’accueil accessibles financièrement aux parents.

Bien que le principe soit mentionné, aucune disposition ne vient concrétiser les améliorations attendues suite au rapport de l’Igas, et qui passe en priorité par les taux d’encadrement. La réussite d’une garantie d’accueil repose en effet sur la confiance des parents dans la qualité de l’accueil de leur enfant.

Le projet de loi globalise la tranche d’âge de 0 à 3 ans sans distinguer les besoins pour des enfants avant 1 an et après 1 an, qui sont pourtant différent, comme l’ont démontré le rapport des 1 000 premiers jours, et celui de l’Igas sur la qualité de l’accueil. Cette distinction a un impact sur l’organisation de l’accueil de l’enfant. Il convient notamment d’intégrer à ce projet de loi, la nécessaire réforme du congé parental d’éducation dont l’indemnisation doit être largement majorée, ce qui permettra aussi à la France de se mettre en conformité avec le droit européen.

Contact : Afficher l'email